Le Japon est connu pour avoir la force de conjuguer la tradition avec la modernité. En une journée, les jeunes peuvent bidouiller leur smartphone à un moment et passer se recueillir dans un temple à un autre. En toute fluidité.
C'est que les Japonais ont du respect pour ce qui est ancien. Les arbres vénérables sont plus forts que l'industrie du bâtiment, les technologies anciennes comme le papier gardent leur place et coexistent avec le numérique, la grammaire veut que l'on parle à un aîné de façon plus respectueuse qu'avec un enfant.
Penchons-nous sur le point de vue du sociologue Kazuhiko Yatabe :
"[Introduction de l'éditeur]LE JAPON CHERCHE DE NOUVEAUX REPÈRES
Son charme reposait sur un subtil équilibre entre traditions et emprunts occidentaux. Mais depuis la catastrophe de Fukushima, le pays, bouleversé, a compris qu'il fallait explorer d'autres voies.
[Texte de l'auteur]
Tokyo, au tout début du mois de janvier 2016, dans le quartier désuet de Wada, à quelques minutes en métro de Shinjuku, l'un des pôles névralgiques de l'immense capitale japonaise. Il est bientôt huit heures du matin, je reviens de mon jogging le long de la rivière Zenpukuji, bordée de sanctuaires, de tumulus et d'arbres magnifiques, reliques de la grande forêt du Musashino qui s'étendait autrefois à l'ouest de la ville. Les fêtes du Nouvel An sont terminées et les classes ont repris depuis quelques jours : d'une ruelle adjacente, un petit garçon déboule en courant, son cartable sur le dos, dans la rue le mène vers l'école. Je l'évite de justesse. Est-il en retard ? Il a l'air bien pressé. Ce qui ne l'empêche pas pourtant des s'arrêter devant un petit autel flanqué d'un torii (portail traditionnel) orange vif et faire une courbettte en retirant sa casquette, avant de reprendre sa course. Le minuscule sanctuaire de l'Oinari-san comme l'appellent affectueusement les Japonais - l'honorable Inari, dieu de la récolte symbolisé par le renard - donne sur la rue, mais il faut être vraiment du quartier pour le connaître. Coincé entre deux maisons, il est presque invisible mais le jeune garçon n'oublie pas ce qui est sans doute une habitude familiale.
[...]
Rien de brutal dans ce face-à-face entre modernité et tradition, bien au contraire. C'est la coexistence tranquille entre deux mondes qui fait le charme de ce pays.
[...]
Avec Fukushima, le cadre que s'est construit l'archipel nippon depuis 1868 s'est fissuré, en même temps que fondaient les réacteurs de la centrale.
Et voilà le Japon parti à la recherche de nouveaux repères, mais cette fois, pas au bout du monde.
[...]
Sans renier ce qui fait l'excellence technologique du pays - il n'est bien sûr pas question de renoncer à la science - de plus en plus de jeunes urbains japonais (31,6 % en 2014 contre 20,6 % en 2005 indique une étude officielle) manifestent par exemple l'envie de retourner vers le travail à la terre.
[...]
Sur l'île à la beauté époustouflante de Tsushima, à mi-chemin entre la région méridionale de Kyūshū et la péninsule coréenne, j'ai rencontré une jeune fille qui s'était installée là pour exercer le métier de... chasseuse de sanglier. Sa motivation ? Le besoin d'être en empathie, m'expliqua-t-elle, avec l'être vivant qui se sacrifie, en nous faisant don de son corps, de ses fruits, de ses grains ou de ses feuilles, afin que nous, les humains, puissions rester en vie.
[...]
Et c'est ainsi que curieusement, par un retour aux racines, s'ébauchent peu à peu les nouveaux contours de la société nipponne. Ceux d'une modernité différente, non occidentale, construite sur le dialogue entre tous les êtres et objets qui peuplent ce monde.".
Magazine GÉO, mai 2016
L'auteur nous dit que le Japon est engagé vers un retour à la nature, à l'animisme et aux traditions. Je ne sais si cette analyse est juste.
Mais on devrait prendre exemple sur eux. S'attacher aux choses anciennes. Conserver la mémoire dans une famille. S'intéresser au passé pour le passé. Car dans la course futuriste high-tech, où la nouveauté remplace rapidement l'existant... on fonce droit vers la catastrophe. Nous avons besoin du pouvoir antique, cette force du passé qui permet d'éviter de reproduire ce qui s'est mal passé et de s'inspirer de ce qui a marché. Le bonheur général en dépend.
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