5/26/2013

L'anesthésie n'est pas loin

Je suis à l'hôtel, et ça fait des jours que je vois un homme qui me fait pitié.

Il est tout le temps au lit, le jour, la nuit, il a des écouteurs dans les oreilles, reliés au téléphone portable, relié au chargeur, relié à la prise de courant juste à côté.
Le mec il bouge pas. Il reste là toute la journée, à de très rares exceptions. Il manque plus que la perfusion, et il pourrait passer toute sa vie dans un lit jusqu'au trépas.

Il n'avait même pas honte de l'état dans lequel il était.

... je ne voulais pas le laisser dans cet état-là. Je pouvais lui expliquer calmement, lui expliquer qu'il faut profiter des choses, qu'il y a une ville à visiter, des restaurants asiatiques, italiens, des gens à rencontrer.

Même avec des arguments rationnels, je pense que cela ne l'aurait pas fait bouger d'un poil, tellement il était inerte.

Alors j'ai cherché à créer la honte en lui. Qu'au moins, il ait ce surmoi, ces pensées du style "Je fais vraiment de la merde...", "Ca va pas de faire ça !", que visiblement personne n'a encore mis en lui.

Donc pour une fois, j'ai opté pour un ton énervé.

"Du musst nicht so viel schlaffen !", tu ne dois pas autant dormir, que je lui crié.

-Bist du krank ?
-Nein.
-Pfff. Doch, du bist krank.

En français :

-Est-ce que tu es malade ?
-Non.
-Pfff. Si, t'es complètement malade.

Le tout avec une intonation contenant énormément de mépris et beaucoup d'insulte.

Quoi, vous pensez vraiment qu'on peut réveiller des breloques pareilles en leur parlant calmement ? Il fallait bien utiliser la méthode forte !

Le gars a eu droit à un "You're dead." extrêmement méprisant.

Sans déconner, quoi, passer quasi 24h sur 24 à dormir... J'appelle pas ça vivre.

Après mes petits cris créateurs de surmoi (j'espère), il y a eu une bonne vieille scène comme j'en ai connu (j'en ai connu...) à l'école, où on se fait réprimander par le professeur/surveillant/CPE/principal/..., suite à la dénonciation d'un parfait inconnu.

Ce qui s'est passé, c'est qu'une des gérantes de l'hôtel m'a reproché d'avoir crié sur cet homme, en me disant que cette nuit pour moi ça allait, mais qu'elle n'était pas sûre que j'aie à être dans cet hôtel (c'est vraiment très soft, comme menace).

Donc :

- on laisse la liberté aux gens de se comporter comme des morts-vivants à passer leurs journées (disons 23h/24) au lit ;
- on ne laisse pas la liberté aux gens de crier, y compris lorsqu'il s'agit de réveiller les pauvres malheureux sus-cités.

Je suis remonté dans le dortoir, y a eu un petit signe de réveil : l'alité a esquissé un geste de poing serré à mon adresse.

Putain... je savais pas que ça existait pour de vrai, des gens comme ça :-( .

Entre autres de mes péripéties à Freiburg, il y a aussi, la traductrice aux yeux de nouveau-né, le sac hanté, le sectaire laveur de cerveaux, la tentation du hamburger, la poubelle aux vapeurs toxiques, la main aux longs ongles vernis...

12 commentaires:

  1. "Il manque plus que la perfusion, et il pourrait passer toute sa vie dans un lit jusqu'au trépas."

    C'est un petit peu exagéré.

    Je ne connais pas très bien sa mentalité. Peut-être que c'est pas exagéré du tout, peut-être que c'est exagéré.

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  2. "Je pouvais lui expliquer calmement"

    Sauf si le hasard n'existe pas, mais on n'en sait rien.

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  3. "réveiller des breloques pareilles"

    En français conservateur, on dirait plutôt "loque", une breloque étant un bijou.

    "réveiller une breloque" n'a donc aucun sens dans cette vision conservatrice, étant donné qu'un bijou ne peut pas dormir...

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  4. "You're dead." signifie "Tu es mort." en anglais.

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  5. Je trouve cela bien triste de voir des gens aussi psychologiquement inactifs.

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  6. De quoi tu t'es mêlé? Ce n'était pas ton problème. Si j'étais une gérante d'hôtel, j'aurais réagi de la même façon.
    Un client qui trouble un autre client ,alors qu'il ne le connaît pas, et se permet presque de l'agresser.
    Ne mets pas ton nez dans ce genre d'affaire, garde ton opinion pour toi, laisse les gens faire ce qu'ils veulent s'ils ne font de mal qu'à eux-mêmes. Que savais-tu de lui et sur son histoire pour te permettre d'intervenir?

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  7. Fais attention, ne laisse pas tes maladresse et ta bonne volonté t'entraîner dans des trucs qui puent, ça n'en vaut pas la peine . Pèse tes raisonnements avant d'agir, ça t'évitera des ennuis, les gens ne comprennent pas forcément que tu veux leur faire du bien, et ce n'est pas parce qu'ils sont bêtes, mais parce que tu agis d'une façon inhabituelle et pas toujours très judicieuse.

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  8. De quel droit imposes-tu ta vision de la vie à quelqu'un d'autre ?
    Tu aimes visiter des villes, les restaurants asiatiques ou italiens, rencontrer des gens, soit. Pourquoi pas.

    Mais si lui aime son téléphone portable, la musique et passer son temps libre à décompresser et à réfléchir, qui es-tu pour juger qu'il mérite d'être insulté par un quidam?

    Tu as le droit de penser ce que tu veux, mais pas de l'imposer aux autres. C'est aussi ça, le respect de la liberté.

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  9. Moi qui pensais que c'était de la provocation...

    Joanna, rassure-toi, je ne lui voulais pas à mal. C'était juste trop con pour lui de passer 23h/24 alité, mais j'ai vu, ca va mieux, il bouge plus désormais.

    A l'anonyme : passer toute sa vie dans un lit, c'est là une bien triste liberté...

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  10. Je sais bien que tu ne lui voulais pas du mal, ce n'est pas le genre de la maison :) Ta bonne volonté te fait juste un peu trop zélé parfois, c'est tout. C'est déjà mieux que de se tourner les pouces ! On peut enlever, mais c'est difficile d'ajouter...

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  11. Je tiens à toi et je m'inquète pour toi, c'est pour ça que je suis aussi franche.

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Rappelez-vous : on a le droit de dire des conneries, mais au bout d'un moment, il faut se rendre compte que c'est des conneries et arrêter de les dire.